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« Produire du lait en zone céréalière, c’est un atout »

Gaec Le Chay. Laurent Bolteau Simon Favreau, Didier Favreau Hervé Bolteau (debout de gauche à droite) en bas Charlène Couton, salariée en remplacement d'Hervé durant son arrêt, Camille Giraud et Axel Bourraud, salarié.

Entre Niort et La Rochelle, en Charente-Maritime, le Gaec Le Chay mise à la fois sur une production laitière sous AOP et sur la culture des céréales. Il a développé son élevage il y a dix ans après une double installation, et adapte son système fourrager pour réduire ses charges et assurer son autonomie.

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En descendant des Pays de la Loire vers la Charente-Maritime, on croise beaucoup moins de vaches laitières dans le paysage. « Je vois cela davantage comme un atout que comme un handicap, déclare Camille Giraud, associée du Gaec Le Chay à Benon. Sur la commune, nous sommes trois fermes laitières livrant à trois laiteries différentes. Selon moi, il y aura toujours besoin de lait. » Son associé, Laurent Bolteau, acquiesce : « Je suis d’accord avec Camille, et puis ce serait dommage de laisser partir le savoir-faire d’éleveurs qui sont aujourd’hui derrière l’AOP Charentes- Poitou. » Âgé de 59 ans, Laurent Bolteau s’est installé aux côtés de son père en 1987. Son frère Hervé les rejoint en 1992 dans un Gaec comptant alors 40 vaches et 70 ha. En 1995, ils fusionnent leur troupeau avec celui d’un voisin, Didier Favreau, se retrouvant seul au moment du départ à la retraite de son associé. Ensemble, ils construisent un bâtiment avec une salle de traite de 2 x 5 postes.

En 2015, alors que les trois associés (le père Jean-Marie ayant pris sa retraite) comptent 110 vaches et 220 ha, deux jeunes frappent à la porte du Gaec : Simon, le fils de Didier, et Camille, ayant découvert la ferme enfant tandis que sa mère venait y acheter son lait. « De fil en aiguille, je me suis occupée des veaux, puis j’ai participé à la traite, enfin, j’ai entrepris des études agricoles », raconte-t-elle. La double installation se fait avec la reprise d’une ferme céréalière voisine sans successeur, ayant accès à l’irrigation. Une autre exploitation céréalière est rattachée en 2024, à la suite du décès prématuré de l’oncle de Simon, que le jeune homme aidait déjà sur sa ferme.

Le prochain investissement pourrait être la couverture de la fosse à lisier et de la fumière pour éviter la dilution des effluents. Les éleveurs réfléchissent à l’option photovoltaïque pour faire face à cette dépense. Deux bâtiments pour le matériel et les fourrages ont déjà été financés ainsi il y a deux ans par un investisseur en énergie solaire. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)
Les veaux sont élevés en niches individuelles puis collectives. La distribution du lait se fait avec un taxi lait : le lait des « vaches à cellules » est utilisé mais jamais celui des vaches sous antibiotiques. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)

Au Gaec Le Chay, les vaches restent au bâtiment toute l’année. La disparition du bocage avec le remembrement s’était déjà opérée quand Laurent Bolteau s’est installé. « Nous avons des terres en fond de vallée où le maïs pousse sans irrigation, explique-t-il. En revanche, nos terres séchantes et le climat ne se prêtent pas toujours à la pousse des prairies et au pâturage. Quand nous avons agrandi le bâtiment, en 2015, à l’arrivée de Camille et Simon, les vaches ont passé du temps dehors et ça ne leur plaisait pas beaucoup. Elles préfèrent l’ombre du bâtiment. »

« Enrichir en légumineuses les prairies et les dérobées »

Les éleveurs maintiennent toutefois 33 ha de prairies permanentes en fond de vallée où l’herbe pousse même les années sèches : elles sont réservées au pâturage des génisses. Les prairies temporaires de fauche représentent 47 ha. En 2024, elles ont permis de récolter deux coupes d’ensilage, une coupe d’enrubannage et une coupe de foin. De même, quatre fauches ont été réalisées (contre trois d’habitude) sur les 18 ha de luzerne. La légumineuse a été introduite dans la rotation il y a une dizaine d’années dans l’objectif d’améliorer l’autonomie en protéines de l’exploitation. Par la suite, les éleveurs ont essayé plusieurs types de trèfle afin de diversifier les prairies temporaires et les cultures dérobées, ces dernières étant auparavant composées exclusivement de ray-grass d’Italie. « Notre objectif est d’enrichir en légumineuses nos prairies de fauche à base de fétuque, dactyle et ray-grass anglais, et de les pérenniser le plus longtemps possible : nous réalisons pour cela des sursemis de trèfle blanc géant. » Du côté des dérobées implantées avant maïs ou sorgho, le ray-grass d’Italie ou l’avoine sont désormais associés au trèfle squarrosum, « l’espèce s’adaptant le mieux à nos sols ».

La salle de traite par l’arrière de 2 x 20 postes avec un bras central a été installée en 2015. Les 135 vaches sont traites en 1 h 15 (+ 25 minutes de nettoyage) à deux trayeurs la semaine ; en 1 h 35 le week-end avec un seul trayeur. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)
Les 146 logettes en béton ont été équipées de matelas lors de l’agrandissement en 2015, ce qui a résolu les problèmes de jarrets. Les éleveurs vendent de la paille et achètent de la farine de paille, plus facile à gérer en système lisier avec séparateur de phase. Les vaches taries sont sur aire paillée. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)
La désileuse-mélangeuse en Cuma avec chauffeur gère l’alimentation de quatre élevages du secteur. Elle distribue la ration pour deux jours. Le Gaec Le Chay étant le seul en AOP, elle est nettoyée à son arrivée dans l’élevage avec de la paille servant ensuite de litière aux veaux. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)

« Laisser de l’azote dans les sols pour les cultures de vente »

Enfin, du trèfle blanc nain est sursemé dans les prairies naturelles, et, dans le but de faire durer la luzerne au-delà de trois ans et d’y exploiter une coupe précoce, les éleveurs testent le sursemis de trèfle violet et trèfle incarnat. Ces fourrages permettent de composer une ration complète à base de maïs et sorgho (7 à 12 kg MS/jour/VL), ensilage d’herbe (prairies et dérobées, 7 à 12 kg), enrubannage de luzerne (1 à 1,5 kg), tourteau de colza (4 kg) et concentré céréalier (1 kg dans la ration et 1 kg au Dac). L’analyse du coût de production du lait (voir ci-dessus) montre qu’il existe une importante marge de manœuvre pour réduire les charges opérationnelles liées aux achats de concentrés et à la production fourragère. « Produire des fourrages riches en protéines est un moyen de limiter les achats de tourteaux, mais représente un coût par l’achat de semences de légumineuses. C’est aussi une façon de sécuriser notre approvisionnement en protéines et de laisser de l’azote dans les sols pour les cultures de vente de la rotation. C’est encore difficilement chiffrable. Toutefois, nous prévoyons d’augmenter nos surfaces en luzerne grâce aux terres reprises en 2024 : c’est utile à la fois pour l’alimentation du troupeau et pour optimiser notre production céréalière. »

Les terres reprises permettront également de sécuriser la production fourragère. Celle-ci a parfois été tendue ces dernières années face aux besoins croissants liés au développement du troupeau (après l’installation de Camille et Simon), auxquels se sont ajoutés les à-coups climatiques. L’alimentation et la croissance des génisses en ont parfois pâti, avec un âge moyen au premier vêlage actuellement de 29,5 mois. « Nous avions tendance à les rationner quand nous manquions de fourrage. L’hiver dernier, nous avons pu enrichir leur ration en maïs et nous avons tout de suite vu l’impact, avec la possibilité de vêlages plus précoces. » L’objectif est donc de pérenniser l’apport de maïs aux génisses, avec une ration composée dans les mêmes proportions que celle des vaches laitières jusqu’à l’âge de six mois. L’optimisation quantitative et qualitative des fourrages est désormais la priorité du Gaec Le Chay. L’exploitation avait au préalable beaucoup progressé, à partir de l’agrandissement en 2015, sur la santé du troupeau.

Le lisier passe par un malaxeur puis un séparateur de phase afin de dissocier la partie solide de la partie liquide. Ceci divise par deux le volume d’effluents liquides à stocker dans la fosse et à épandre, et a évité l’investissement dans une nouvelle fosse suite à l’agrandissement du bâtiment. La partie solide est stockée et compostée sur la fumière. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)
La qualité des fourrages et notamment sa richesse en protéines, sont un enjeu important pour améliorer l’autonomie de la ferme et réduire les charges. L’implantation de luzerne, et l’introduction de légumineuses dans les prairies de fauche et les cultures fourragères en dérobées, sont les leviers développés depuis une dizaine d’années. (© J.-M. Nossant/Reportage GFA)

« Notre objectif est de faire vieillir les vaches »

« Nous avions de gros problèmes de boiteries. Ce n’était plus gérable avec un effectif en croissance. Nous nous sommes appuyés sur la génétique pour renforcer la rusticité des animaux, notamment au niveau des aplombs. Nous avons aussi installé des matelas pour résoudre les problèmes de jarret, car notre objectif est de faire vieillir les vaches. » La productivité moyenne des laitières s’est maintenue entre 7 500 et 8 000 litres, les éleveurs ayant plutôt axé la génétique sur l’amélioration des taux.

Aujourd’hui, l’exploitation prépare la relève d’une partie de ses associés. Didier Favreau, 61 ans, sera le premier à partir à la retraite à partir de fin 2025, suivi de Laurent Bolteau, 59 ans, puis d’Hervé Bolteau, 56 ans. Pour la nouvelle génération, Camille Giraud, 32 ans, et Simon Favreau, 30 ans, la question se pose d’accueillir de nouveaux associés et/ou salariés. « Pour l’atelier lait, nous pensons plutôt à des associés en raison de l’engagement exigé, indique Camille. Pour les cultures, c’est différent, on peut plus facilement envisager de recruter des salariés. » Le Gaec est inscrit au Répertoire départ installation depuis l’été. « L’un des atouts d’une structure comme la nôtre est l’investissement raisonnable à l’installation grâce notamment au recours aux Cuma, souligne Camille. Cela nous a permis, à Simon et à moi, de nous installer en rachetant chacun 80 000 euros de parts sociales. Les équipements actuels sont opérationnels. Les seuls projets envisagés sont la couverture de la fumière et de la fosse à lisier, à financer si possible par une production d’électricité photovoltaïque. »

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